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cables à propos des choses rurales ; l’esprit le plus pénétrant, les dispositions les plus heureuses n’auraient jamais doué une enfant de son âge de ce savoir pratique que peut seule donner la longue habitude des travaux agrestes et l’opiniâtre étude des lois et des phénomènes de la nature ; car l’intelligente observation du passé sert presque infailliblement à prévoir l’avenir.

Sans aucun doute, Bruyère s’était assimilé avec un rare bonheur les enseignements et les fruits d’une expérience autre que la sienne.

Ainsi s’explique ce qu’il y avait d’extraordinaire dans le savoir de Bruyère, dans la sûreté de ses prévisions, dans la naïve sagesse de ses conseils. Quant aux gens simples et ignorants dont Bruyère était devenue l’oracle, ils devaient voir et voyaient en elle une créature quelque peu surnaturelle ou charmée, ainsi qu’ils disaient.

Deux hommes, l’un d’un âge mûr, l’autre, vieillard à cheveux blancs, une femme jeune encore, tenant sur ses genoux un enfant de cinq ou six ans, tels étaient les nouveaux clients de Bruyère, tous d’ailleurs misérablement vêtus.

— Que voulez-vous de moi, ma chère dame ? — demanda Bruyère d’une voix affectueuse et douce, à la femme qui tenait un enfant sur ses genoux.

À cette question le vieillard et l’homme d’un âge mûr s’éloignèrent de quelques pas de leur compagne, par un louable sentiment de discrétion.

— Hélas ! mon Dieu, ma chère fille, — répondit tristement la femme, — je suis de Saint-Aubin ; on dit dans le Val que vous savez des paroles contre les