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du cou et descendant à mi-jambe, se drapait en plis d’une simplicité gracieuse ; son peu de longueur l’empêchait d’être jamais souillé de la fange des marais ; ses larges manches, ne descendant pas plus bas que le coude, laissaient voir les bras ronds et légèrement hâlés de la jeune fille ; ses pieds enfantins chaussaient de petits sabots creusés dans le bouleau et noircis au feu ; l’eau d’un ruisseau liquide où Bruyère venait de faire son ablution du soir, leur avait donné son lustre d’ébène. Forcée par la pauvreté d’aller jambes nues, Bruyère, avec l’industrieuse adresse du sauvage, s’était façonné aussi en jonc des espèces de bottines qui montaient au-dessous du genou et s’arrêtaient au cou-de-pied préservé par le sabot ; rien de plus joli, de plus net que ce tissu souple et luisant, serrant étroitement le contour arrondi d’une jambe charmante, ainsi garantie de la rougeur et des gerçures presque toujours causées par le contact de la fange.

Par une habitude singulière, malgré le froid, malgré la pluie, malgré l’ardeur caniculaire, la jeune fille ne portait jamais rien sur sa tête nue ; quelques fois seulement, lors de la floraison des bruyères, elle attachait quelques-unes de leurs flexibles branches dans sa coiffure, sans doute en glorification du nom dont on l’avait baptisée, en la trouvant, toute petite, abandonnée dans les landes et couchée au milieu d’une touffe de bruyères roses. (Depuis, le même mystère enveloppait toujours sa naissance.) Ses cheveux châtains, très-abondants, naturellement ondés et séparés en bandeaux, étaient d’une nuance si harmonieuse qu’elle se fondait, dans l’ombre légère projetée sur le