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À quoi bon éveiller chez ces malheureux-là des besoins, des appétits qu’ils n’ont pas ? Voyez-les : à peine rassasiés, hommes, femmes et enfants se jettent pêle-mêle sur la même litière. Qu’importent les faits de promiscuité sauvage qui se passent souvent dans ces tanières ! la nuit est complaisante, ses ténèbres cachent tout ce qui doit être caché ; cette race vit ainsi depuis des siècles ; elle est patiente, elle est accoutumée au servage, elle ne demande rien, elle se résigne, elle travaille, elle souffre en paix ; ne soyez donc pas plus de son parti qu’elle n’en est elle-même. Ces gens-là, tout malheureux que vous les dites, rient, chantent, font l’amour à leur manière. N’espérez donc pas apitoyer sur leur sort. »

Et nous répondons :

C’est justement parce que ces races déshéritées n’ont souvent pas conscience de ce qu’il y a de grossier, de sauvage, d’abrutissant dans la vie animale où elles sont obligées de vivre, qu’au nom de la dignité, de la fraternité humaine nous demandons pour elles une éducation qui leur donne la conscience et l’horreur de cette déplorable existence.

Une éducation qui, leur donnant aussi la mesure de leur force, la connaissance de leurs droits, la religion de leurs devoirs, permette à ces classes déshéritées de réclamer et d’obtenir une part légitime des biens, des produits qu’elles concourent à mettre en valeur, part qui doit être équitablement proportionnée à la fatigue, au labeur, à l’intelligence du travailleur.