de soi, par soi, devant soi ?… Au bout de six mois, cela donne des nausées… à force de ridicule.
— Mais, — reprit Martin, disputant le terrain pied à pied, — si ton âme est aussi morte aux joies de l’orgueil, la gloire ne donne-t-elle pas de l’or ?
— De l’or ?… je n’ai pas besoin d’être parée pour être belle… et je n’ai personne à qui je veuille plaire… J’ai si long-temps souffert de la misère… que le nécessaire est une sorte de luxe pour moi. Pourtant j’ai voulu essayer de la magnificence ; au bout d’un mois j’en étais excédée… Qu’est-ce que la stupide jouissance du luxe auprès de l’enivrement de la gloire ?… et la gloire même ne m’enivrait plus.
— Mais avec l’or… on fait le bien…
— Eh ! mon Dieu, j’en ai fait du bien, et beaucoup ! Dès que j’ai été riche, je me suis mis en quête de ma famille… mon père et ma mère étaient morts… je n’ai retrouvé que deux frères et une sœur… les autres… morts aussi… ou disparus… on ne savait pas… Est-ce qu’on sait jamais ce que ça devient, des malheureux comme nous ? ça naît, ça meurt ; qui s’en inquiète ?… Mes deux frères et ma sœur ont eu par moi leur sort assuré ; à d’autres aussi j’ai donné, beaucoup donné… et puis un jour… de la charité, comme de la gloire… comme de l’or… j’ai dit : — Après ?
— Ainsi, — reprit Martin avec une stupeur douloureuse ; — ainsi, ton cœur, vicié dès l’enfance, et désormais fermé… à toutes les émotions pures, généreuses, fécondes… ne vit plus à cette heure que pour ce sentiment stérile, affreux comme la mort : — La haine !!
— Oui ! oh ! oui, long-temps je l’ai du moins goû-