ment, — si je voulais excuser Bamboche, je te dirais : toi-même… malgré les enseignements de Claude Gérard… malgré la bonté, l’élévation naturelle de ton cœur, après quatre jours d’une lutte affreuse contre la faim, le froid… le manque de travail, n’as-tu pas… dans ton désespoir, failli devenir complice du cul-de-jatte ?…
— C’est vrai, — dit Martin avec accablement.
— Et plus tard, reconnaissant l’impossibilité matérielle de vivre, — reprit Bamboche, — mais reculant devant le suicide, n’as-tu pas attendu la mort dans une cave ?… Eh bien ! moi qui ai vu mon père mourir sans secours, au fond des bois, et déchiqueté par les corbeaux ; moi qui, au lieu d’avoir eu Claude Gérard pour Mentor, ai joui des conseils paternels du cul-de-jatte et de la Levrasse, moi qui ai été achevé par une éducation de prison, moi qui enfin ai été élevé en loup… en loup j’ai vécu ;… en loup je meurs, en mordant les barreaux de ma cage… Je ne mérite ni ne demande intérêt ou pitié : comme j’ai commencé… je finis… on me coupe le cou… on fait bien, on le peut… Dans mon enfance, la société m’a traité en chien perdu… quand j’ai eu des crocs, je l’ai traitée en chien enragé… c’était fatal… voilà tout.
En prononçant ces dernières paroles, le rire de Bamboche était contracté, presque douloureux.
Était-ce douleur morale, douleur physique ? Martin ne put le deviner ; il remarqua seulement que la pâleur de Bamboche semblait augmenter encore.
— Il ne faut pas oublier, vois-tu, mon pauvre Martin, — reprit Basquine, toujours impassible, — que