— Avant toute chose, — dit vivement Bamboche à Martin, — Bruyère ?… ma fille ?
— Elle va bien, — répondit Martin — j’ai été la chercher dans le refuge où Claude Gérard l’avait fait se cacher pendant qu’on la croyait noyée. Une brave fille de ferme lui portait chaque jour quelque nourriture dans cette retraite. L’innocence de Bruyère a été si évidente, que l’accusation d’infanticide est tombée d’elle-même.
— Et maintenant où est-elle, la pauvre enfant ? — demanda Bamboche.
— Auprès de ma mère et de M. Duriveau, — répondit Martin.
— Allons, son sort ne m’inquiète plus, — dit le condamné d’une voix légèrement émue, — et elle ne sait… rien… de moi, n’est-ce pas ?
— Rien… ma mère… la comble de soins… de tendresse pendant ses moments lucides…
— Comment ! — dit Basquine, — la folie… de ta pauvre mère ?…
— Après une crise léthargique, tellement prolongée qu’on l’a crue morte… — reprit Martin, — ma mère est revenue à la vie… mais sa raison, à peine raffermie, s’est altérée de nouveau… moins gravement, il est vrai, que par le passé… Maintenant… son aberration consiste à rester quelquefois un jour entier dans un état de morne stupeur, pendant laquelle, insensible à tout ce qu’on lui dit, elle ne prononce pas une parole. Ces accès passés, — reprit Martin, — elle revient à son bon sens.
— Et ton père ?… — demanda Basquine.
— En huit jours, ses cheveux sont devenus blancs, —