tresse ce que, sur cent hommes, dix ne feraient pas pour une maîtresse qui les adorerait : j’ai quitté ma femme, je me suis mis sa famille et la mienne contre moi, tout cela pour prouver à Mlle Basquine que, malgré son indifférence, j’ai rompu avec le monde afin de ne vivre que pour elle… Et cela ne la touche pas. Si elle aimait quelqu’un, je renoncerais à tout espoir, mais elle n’aime personne, j’en suis sûr… J’ai dépensé beaucoup d’argent pour la faire suivre, ou espionner, à l’Opéra, ici, enfin, partout où elle va… et rien… pas l’ombre d’une intrigue… »
— C’est ce que je vous ai toujours répété. Monsieur le marquis, — lui disais-je, — et vous ne vouliez pas me croire. « Mais maintenant je vous crois, — reprenait-il ; — je suis sûr qu’elle n’aime personne. Cela m’empêche de me désespérer, car il faudra bien qu’elle finisse par m’aimer… Il est impossible qu’elle résiste aux sacrifices de toutes sortes que j’ai faits et que je ferai, sans qu’elle ait même besoin de me les imposer, et cela seulement dans l’espoir d’être aimé. » Enfin, je te jure, Leporello, que ce pauvre marquis me déchirait l’âme ; tantôt c’étaient des colères à faire frémir, tantôt des pleurs comme un enfant.
— Et ta maîtresse ?
— Un marbre… pis qu’un marbre… car un marbre ne rit pas…
— Elle riait !…
— Comme elle rit… quelquefois… et alors c’est à vous donner le frisson.
— Ah çà ! mais c’est donc le diable incarné que notre chère maîtresse ?