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sais que j’ai quitté ma bêtasse de ministresse après l’histoire des radis ?

— Des radis ?

— Comment ? tu ne sais pas ?

— Que je n’en mette jamais un sous ma dent… de radis (et je les adore) si je comprends ce que tu veux dire.

— J’étais donc excédée, fatiguée de ma ministresse, car non contente d’être sotte et crassement bourgeoise, elle était méchante comme un âne rouge, non pas pour moi, un instant ! j’ai bec et ongles ; mais elle était impitoyable pour une jeune nièce qu’elle avait, laide comme un monstre, il est vrai, la pauvre créature, mais si bonne, si douce, que les larmes me venaient aux yeux en voyant les humiliations que, sans jamais se plaindre, elle endurait tous les jours de sa méchante bête de tante ; ça m’a tellement exaspérée, que je me suis dit : je ne resterai pas ici, mais je vengerai cette pauvre fille avant de partir, et je me ferai renvoyer pour quelque chose de très-drôle. Un jour donc j’avais à coiffer ma ministresse pour un bal des Tuileries, je prends à l’office une demi-douzaine de jolis petits radis roses avec leurs feuilles, je les traverse de grandes épingles noires, et tout en coiffant ma ministresse, je vous lui plante, sans qu’elle s’en doute, les petits radis derrière la natte du chignon.

— Astarté, tu es brave comme Cambronne !

— La ministresse avait avec ça deux touffes de marabouts blancs par devant. — Ah ! ma chère petite, — me dit-elle en faisant son gros dos et se mirant dans sa glace, — je suis joliment bien coiffée ce soir, vous vous êtes surpassée. — Le fait est que Madame, avec cette coiffure, me rappelle tout-à-fait Mme la duchesse…