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jour voulu batifoler, et m’a dit : Ma bonne, je suis sûr que M. le duc vous trouvait charmante, et qu’il vous le prouvait.

— Non, Monsieur, — ai-je répondu à ce gros homme, — car, pour le prouver, M. le duc aurait commencé par me meubler un appartement et me donner une centaine de mille francs pour m’établir. — Là-dessus, le ministre est resté coi, a fait hum ! hum ! et s’est esquivé ; pourtant ça aurait été drôle de faire l’éducation d’un ministre de la justice, et de lui apprendre les belles manières ; mais il est si laid, si crasseux, si avare, que je l’ai menacé de tout dire à sa femme s’il insistait, et même s’il n’insistait pas. Aussi, grâce à ma vertu, je fais du ménage ce que je veux, je donne des places de garçons de bureau et d’huissiers comme s’il en pleuvait. Qui est-ce qui en veut ?

— Ma foi ! ça n’est pas de refus dans l’occasion pour un intime, — dit Leporello.

— J’avais même une de mes amies qui servait une femme dont le mari était sous-chef dans nos bureaux, je l’ai fait nommer chef par une injustice atroce… Et voilà !

— Je réclame ta protection pour le frère d’une de mes camarades, — dit la femme de chambre de la marquise d’Hervieux. — Je te reparlerai de cela, Astarté.

— Tu n’as qu’à demander… je n’aurai qu’à dire à mon ministre : — M. le duc, qui était gentilhomme de la chambre de Charles X, n’aurait jamais refusé une grâce à quelqu’un de sa maison. Je vous dis qu’il n’y a rien de plus orgueilleux que ces parvenus.