Je reconnus bientôt à la physionomie sinistre et aux paroles crapuleuses de la plupart des coryphées de ce bal, qu’il devait être surtout fréquenté par cette lie grossière, oisive, dépravée, qui fourmille dans ces grands repaires.
Les costumes étaient presque tous sales, ignobles, hideux, ou d’un cynisme que la licence des jours de carnaval pouvait seule imaginer. J’eus de la peine à surmonter l’espèce de vertige que devaient causer aux nouveaux initiés cette chaleur, ce tumulte, cette odeur nauséabonde et suffocante ; ma figure, si étrangement enluminée, m’attira d’abord force interpellations en langage intraduisible, puis je fus oublié.
M’éloignant quelque peu du prince, je le dépassai, puis je revins sur mes pas afin de le croiser et de l’examiner attentivement.
Malgré ses fréquentes libations, et quoi qu’en eût dit Jérôme, M. de Montbar ne me parut pas gris ; sa démarche était ferme, ses traits pâles, ses yeux rougis et ardents, son sourire amer.
Évidemment pour moi, une pensée triste, profondément triste, dominait le prince malgré lui, au milieu de l’étourdissement, de l’hébétement passager où il cherchait à se plonger.
Je remarquai sur sa physionomie une expression de dégoût, de colère concentrée, lorsque, balloté çà et là par le courant de cette tourbe ignoble, il était brutalement repoussé ou apostrophé en langage des halles.
Un quart-d’heure après notre arrivée, voulant sans doute triompher de ces délicatesses inopportunes, et s’étourdir jusqu’au vertige, M. de Montbar choisit l’occasion d’un galop furieux qui tourbillonnait dans la salle,