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Martin, parce que vous êtes un bon serviteur, fort rangé, fort tranquille… et que souvent il ne faut malheureusement qu’une occasion pour changer les meilleures habitudes.

— Madame la princesse peut être rassurée à ce sujet…

— Bien… allez…

Et je sortis.

Chose bizarre… c’était du sort de ma maîtresse que j’allais décider pendant cette soirée de liberté qu’elle m’accordait.

J’avais su par le vieux Louis que le prince ne dînait pas à l’hôtel ; il ne me restait plus qu’à aller l’attendre le soir rue du Dauphin, puis de le suivre où il irait.

La nuit venue, je me suis rendu chez un costumier de la rue Saint-Honoré, où j’ai acheté un costume de Pierrot à carreaux bleus et blancs, comme celui du prince, puis (ces détails à cette heure me semblent puérils et ridicules, mais tout était perdu si le prince, mon maître, me reconnaissait)… puis chez un marchand de couleurs fines, je me suis muni d’une petite vessie de blanc de céruse, d’une de vermillon, d’une de noir d’ivoire, et enfin d’un pinceau et d’une bouteille d’huile siccative, grâce à laquelle la peinture sèche à l’instant qu’elle est employée.

Je me suis alors rendu chez mon brave ami Jérôme, le cocher de fiacre, que je n’ai jamais négligé, et à qui j’avais écrit la veille que je le priais de se mettre lui et sa voiture à ma disposition, depuis six heures du soir jusqu’à six heures du matin.