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— J’espère que tu n’as accepté que de l’or ! — s’écriait Balthazar, dès qu’il m’apercevait.

— Monsieur, on ne m’a rien offert…

— Que des billets de banque ? les cuistres !

— Non, Monsieur… mais…

— Des écus donc ? Goujats ! payer la divine ambroisie en gros écus… en vils écus… comme de la mélasse… ou des pruneaux… les épiciers ! les pleutres !! Il devrait y avoir une monnaie de diamants pour payer les poètes !

— On ne m’a rien offert du tout, Monsieur, — disais-je tristement.

— Tu n’as pas trouvé les libraires ?

— Si, Monsieur.

— Eh bien ?

— Eh bien ! Monsieur, l’un m’a remis cette lettre ; les autres m’ont dit que, dans ce moment-ci, le commerce n’allait pas… qu’ils ne pouvaient rien publier, et surtout d’un inconnu !

— Les bœufs ! les ânes ! — s’écriait Balthazar ; ils ne savent pas toute la puissance qui se dégage de l’inconnu ! Bonaparte avant le siège de Toulon, c’était l’inconnu !… L’inconnu !… mais c’est la seule certitude de notre époque ! Enfin… ces Philistins n’ont pas ouvert mes manuscrits !

— Non, Monsieur… ils n’ont pas seulement voulu que je les tirasse du sac…

— Ils ne les ont pas lus… ils les refusent… c’est tout simple… — dit Balthazar Roger, d’un ton calme et superbe, — c’est un manque d’intelligence qui leur coû-