il riait de si bon cœur, et le premier, de toutes les folies qu’il débitait, ou bien encore il ajoutait une foi si naïve aux incroyables et inoffensifs mensonges qu’il débitait, et dont il finissait par être dupe lui-même, que l’on oubliait sa laideur pour ne songer qu’à son esprit et à sa bonté.
Malgré cette jovialité, cette verve spirituelle, la poésie de Balthazar avait un caractère sombre, passionné, farouche, le jeune écrivain sacrifiait alors au goût du jour pour les titres bizarres et sinistres.
Les courses que me faisait faire Balthazar depuis un mois, étaient d’autant plus longues, fréquentes et interminables, qu’elles avaient pour but le placement de ses œuvres, alors dédaignées, et qu’à juste titre l’on se dispute aujourd’hui. Les libraires se montraient intraitables. Après des pérégrinations dans tous les quartiers de Paris, je revenais tristement auprès de Balthazar avec le sac de toile qui renfermait ses manuscrits.
Malgré ces refus, ces déceptions, le calme de Balthazar était héroïque, sa bonne humeur imperturbable ; jamais je n’ai vu d’exemple plus noble, plus frappant, des consolations, des espérances et de la sérénité d’âme que l’on peut puiser dans le travail et dans l’étude, l’étude !! cette douce mère (alma mater, comme disait Balthazar) ! Il était pauvre ; parfois même réduit à une gêne cruelle, et jamais sa confiance dans le magnifique avenir dû à son talent ne l’abandonnait ; ce n’était pas orgueil, mais prévision, mais conscience ; aussi les yeux fixés sur cet éblouissant avenir faisait-il souvent, tout éveillé, des rêves splendides mais prématurés, et il