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» Je sais que des gens sérieux, des économistes probablement, répondront :

» — Les bons sujets sont trop rares pour qu’un homme doué de bon vouloir, d’intelligence et de capacité ne trouve pas immanquablement à s’occuper ou à se placer… tôt ou tard.

» Oui… tôt ou tard… Là est toute la question, Sire.

» Tôt ou tard ?…

» Être absolument sans ressources, et trouver une occupation assurée au bout de deux ou trois jours… cela est tôtsi tôt, qu’il faut un hasard presque miraculeux pour arriver à un tel résultat… J’en appellerais à ceux qui, comme moi, ont eu l’expérience de cette position désespérée.

» Eh bien, Sire, pour un homme qui manque de tout et qui ne veut ni mendier, ni voler… trouver au bout de deux jours une occupation quelle qu’elle soit… au bout de deux jours… entendez-vous, Sire… c’est déjà bien tard… parce que peu de créatures humaines peuvent endurer la faim… plus de deux jours…

» Trouver de l’ouvrage au bout de trois jours. Sire… c’est trop tard… on est alors en train d’expirer…

» — Deux ou trois jours ? c’est pourtant si peu de temps… c’est si vite passé ? — diront les heureux du monde…

» Ou bien encore…

» — On trouve des gens morts ou mourants de faim… c’est vrai… mais c’est rare…

» Il est déjà monstrueux qu’au milieu d’une société dont tant de membres regorgent de superflu, une créa-