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» Vous avez vu, Sire (les documents officiels ne le prouvent que trop), dans quel but les gouvernants de ce pays et leurs complices réduisent l’instituteur du peuple à la condition la plus dure, la plus abjecte, la plus révoltante.

» Un autre épisode de ma vie vous a fait connaître, Sire, un fait monstrueux qui devrait être considéré, dans tout État prétendu social, comme un phénomène aussi rare qu’effrayant, et pourtant ce fait est au contraire si fréquent, que les cœurs généreux s’en affligent, s’en indignent, mais ne s’en étonnent plus.

» Pour arriver à la solution de ce sinistre problème, Sire, il faut le poser ainsi :

» Étant donné un homme jeune, robuste, intelligent et probe, qui a reçu une bonne éducation élémentaire, qui possède un métier manuel, qui est rempli de bon vouloir, de courage, qui ne répugne à aucun labeur, qui se résigne à toute tâche, qui est rompu au travail, aux privations, qui vit et se contente de peu, qui ne demande enfin qu’à gagner honorablement du pain et un abri.

» Cet homme, avec cette vaillante résolution, avec cette abnégation complète, avec ces capacités de travail, pourra-t-il trouver à gagner honorablement ce pain, cet asile ?

» En un mot son droit au travail, c’est-à-dire son droit de vivre moyennant labeur et probité, lui sera-t-il reconnu et rendu praticable par la société ?

» L’épisode de ma vie que vous venez de lire, a résolu la question, Sire.