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j’aurai le temps de recevoir une lettre de Claude Gérard ou une réponse de la veuve de M. de Saint-Étienne, à laquelle je vais écrire. »

— « Sans doute, ma conduite est lâche, indigne, — ajoutai-je, — c’est un premier pas dans la voie de l’ignominie… Mais ce sera le premier et le dernier… car si, dans huit jours, je ne reçois aucune nouvelle de Claude Gérard, ou de la veuve de mon protecteur… je me débarrasse d’une vie par trop misérable. »

À cette heure, où je puis envisager froidement le passé, l’expérience me prouve que presque toujours les gens de cœur qui faillissent, comme je me sentais faillir, s’aveuglent sur leur future ignominie… ainsi que je m’aveuglais moi-même, par de folles espérances d’un meilleur avenir, ou par une résolution de suicide expiateur, mais presque toujours, hélas ! la vanité des espérances est bientôt reconnue, l’heure de la mort sonne… l’heure de cette mort qui doit vous délivrer d’une vie désormais souillée… mais, ainsi que le condamné aspire sans cesse à reculer l’instant du supplice, ou ajourne l’expiation… Qu’importe un jour de plus ?… une semaine de plus ? un mois de plus ? tant que votre infamie n’est pas découverte ?… Un heureux incident ne peut-il pas vous remettre dans la voie du bien ? et vous ne la quitterez plus désormais !…

Et lâchement vous vous laissez vivre… Mais votre honte est découverte, est publique… Oh ! alors… sans doute, plutôt que le pilori… la mort ! cette mort expiatrice à laquelle vous vous êtes condamné d’avance. La mort ? Pourquoi ? À quoi bon, ce tardif et inutile héroïsme ?… N’êtes-vous pas à jamais flétri… Mieux