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— Quoi ?

— Si tu en rencontres, de ces bonnes gens-là… apporte m’en donc un pour voir… Je le ferai empailler.

Je haussai les épaules, et je descendis rapidement l’escalier.

Une fois au grand air, une fois hors de la demeure et de la présence du bandit, il me sembla sortir d’un rêve ; je me demandai comment j’avais pu m’attrister des stupides et ignobles paradoxes de ce misérable ; alors je me reprochai amèrement d’avoir pu oublier un instant tout ce que je devais à Claude Gérard. Ce fait ne suffisait-il pas à ruiner les cyniques accusations du bandit contre les gens de bien ?…

Me voyant décemment vêtu (je n’osais néanmoins songer à l’origine de ces vêtements), je me sentis moins embarrassé. J’espérai davantage, l’avenir me parut moins sombre ; il me sembla que mon appel au cœur de quelque personne charitable serait mieux accueilli, qu’alors enfin je pouvais tenter certaines chances auxquelles il m’eût été impossible de songer auparavant, car souvent la vue d’un homme couvert de haillons inspire une défiance ou une répulsion insurmontable.

Ainsi je pensai à me présenter chez la veuve de M. de Saint-Étienne, mon défunt protecteur, tandis que, vêtu comme un mendiant, la honte m’eût retenu, ou bien je n’aurais pas dépassé l’antichambre.

Mme de Saint-Étienne devait être un peu remise du coup imprévu dont elle avait été frappé ; j’espérais qu’elle me viendrait en aide par respect pour la mémoire