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Je n’avais de ma vie vu une pareille profusion de fleurs rares et un luxe de si bon goût. La lumière arrivait dans ce parloir à travers un store de satin où étaient peint des oiseaux de mille couleurs. Ce demi-jour mystérieux, le profond silence qui régnait dans l’appartement, situé sur le jardin, la douce odeur des fleurs et du léger parfum qui s’exhalait de la chevelure ou des vêtements de Régina… que dirai-je enfin ! la vue de cette femme si belle et si long-temps adorée, du fond de ma misère et de mon obscurité, me causèrent d’abord une sorte d’enivrement… de vertige.

Régina, ayant terminé d’écrite sa lettre, me dit en me montrant un bougeoir de vermeil placé sur sa table :

— Allumez cette bougie, je vous prie… il y a sur la cheminée du papier pour cela…

Obéissant à l’ordre de la princesse, je pris à l’endroit indiqué, dans un petit cornet de porcelaine, une sorte de longue allumette de papier rose, je la présentai à la flamme du foyer et j’allumai le bougeoir.

— Merci… — me dit la princesse de sa voix douce et bonne.

Puis, tout en cachetant sa lettre, et en y écrivant l’adresse, elle ajouta sans lever les yeux sur moi :

— Vous vous nommez… Martin ?

— Oui, Madame la princesse.

— M. le docteur Clément, un des hommes que j’aimais et que je vénérais le plus au monde, — me dit la princesse d’une voix légèrement émue, — vous a si instamment recommandé à moi, que je vous prends à mon service en toute confiance.