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— Mais tu veilleras sur elle… car heureusement ton service exigera que tu sois là… toujours là.

— Oh ! oui, toujours là ! — m’écriai-je. — Mais qui donc peut menacer la princesse ?

Après un moment de silence, mon maître reprit :

— Les malheurs qui accablent et qui menacent Mme de Montbar sont de plusieurs sortes… fille admirable… elle a perdu l’affection de son père ;… épouse aimante… dévouée… elle est… je le crains, indignement trompée par son mari… le chagrin la menait au tombeau lorsqu’il y a deux mois elle s’est raidie contre la douleur… sa fierté s’est révoltée contre l’injustice du sort ; depuis lors elle affecte le calme, la gaîté, l’amour des plaisirs… mais je la connais, tout cela ment… Elle tâche de s’enivrer pour échapper à de cruelles souffrances ; sa beauté paraît plus éclatante que jamais… mais à moi Régina m’a semblé belle, de cette beauté suprême de ceux que la fatalité doit frapper bientôt…

— Ciel ! Monsieur… que dites-vous ?

— À ces maux… tu ne peux rien, toi… mais il est un danger matériel, imminent, dont, par ta condition de domesticité même, tu pourras peut-être préserver la princesse.

— Oh ! dites, dites, Monsieur !

— Il est un homme d’un caractère indomptable, d’une volonté de fer, d’une rare énergie, d’une richesse immense… cet homme est capable de tout… du sacrifice de sa vie même, pour assouvir ses passions ou sa haine… sa haine surtout.

— Et cet homme ?…