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― Tu n’es peut-être pas ce que je croyais… tu m’as l’air bien sobre…

— Que pensiez-vous donc de moi ?

― Je t’ai pris pour un crâne qui ne craint rien, et qui a faim… pour moi c’était une trouvaille, oui… et pour toi aussi… Mais tu ne bois que de l’eau, tu ne manges que du pain… ça me gêne.

― Quand on est sobre, ― dis-je au bandit en le regardant fixement, afin de tâcher de deviner sa pensée, ― on a le corps plus agile, l’esprit plus sain, et on est meilleur à toutes choses…

― Tu as raison dans un sens… l’ivrognerie peut faire manquer les plus belles affaires… Mais, dis-moi, puisque tu crevais de faim ce matin… ça pourra bien t’arriver encore demain… ou après… si tu n’as pas d’autres banquiers que les voyageurs, dont tu tâcheras de porter les bagages ; je connais l’état… faut faire autre chose avec… pour avoir de l’eau à boire… Allons, un verre de vin ?

— Non.

— Diable d’homme !…

— De quel autre état voulez-vous parler ?…

― Écoute… tu es jeune, vigoureux, alerte et crâne… c’est de l’or en barre, ça, mon garçon… si tu sais t’en servir, sans compter que tu es peu connu sur la place… car tu n’es pas parisien… ça se voit de reste…

— Je suis à Paris depuis trois jours seulement.

― C’est superbe… Ah ! si, au lieu d’être vieux… j’étais à ta place…

— Qu’est-ce que vous feriez ?