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Régina, j’aurais failli… comme tant d’autres pauvres abandonnés.

Il devait être environ minuit lorsque, vaincu par le sommeil, je me couchai, après avoir éteint ma lumière et fermé hermétiquement mes rideaux ; je m’endormis pour ainsi dire bercé par le bruit de la tourmente qui mugissait au dehors ; ma dernière pensée fut une pensée de commisération profonde pour ceux-là qui, pendant cette nuit orageuse, se trouvaient sans asile… comme je m’y étais trouvé moi-même.

Je ne sais depuis combien de temps j’étais couché, lorsque je fus éveillé par une sensation de froid très-vif. Je me levai sur mon séant, j’écartai mes rideaux. Le vacillant et pâle reflet d’un réverbère suspendu presque en face de la maison jetait dans ma chambre une faible clarté, car, à ma grande surprise, je vis ma fenêtre ouverte, la pluie continuait de tomber à torrents, le vent de souffler avec furie ; je crus avoir mal fermé le soir les volets de ma fenêtre, et qu’ils avaient cédé à la violence du vent ; j’allais me lever pour les aller fermer, lorsque, de plus en plus étonné, je m’aperçus que ma porte aussi était ouverte… Saisi d’une vague inquiétude, je passai un vêtement à la hâte, et, prêtant l’oreille, il me sembla entendre quelqu’un s’approcher en marchant avec précaution dans le corridor sur lequel s’ouvrait ma chambre, et qui, par l’escalier, conduisait au cabinet de mon maître. Soudain une assez vive lueur éclaira l’épaisseur d’une des baies de ma porte… je m’élançai dehors, mais, sur le seuil, je me heurtai à un homme en blouse ; le rat-de-cave qu’il portait s’éteignit, une main vigoureuse me saisit à la gorge, me repoussa vio-