J’éprouvais autant de honte que d’humiliation à accepter l’offre du cul-de-jatte, mais j’avais faim.
Au bout de quelques pas, le bandit passa familièrement son bras sous le mien. Ce contact me fit tressaillir, je me dégageai brusquement.
― Que diable as-tu ? ― me demanda le cul-de-jatte, surpris de mon mouvement.
— Je ne veux pas vous donner le bras.
— Comment ?… à un camarade ?
— Je ne suis pas votre camarade.
― Je te paie à déjeûner… et tu n’es pas mon camarade ? Ah ça… est-ce que tu serais fier ? Alors, bonjour, je n’aime pas les fiers…
— Je ne suis pas fier… ― dis-je en hésitant.
— Alors, donne-moi le bras.
Et il me fallut prendre le bras de ce misérable ; je baissai la tête, écrasé de honte ; un moment, j’eus la pensée d’abandonner cet homme ; mais je sentais de plus en plus les douloureux vertiges que cause le besoin