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intérêt qu’il me témoignait, et surtout la sollicitude presque paternelle que semblait lui inspirer Régina, me paraissaient difficilement se concilier avec son affectation d’insatiable avidité. Les cupides et les avares ont le cœur sec : or, un homme capable et digne d’apprécier la princesse de Montbar, ne pouvait, selon moi, avoir une âme égoïste et basse.

Le retour du docteur interrompit mes réflexions ; il sauta dans le fiacre, ses yeux étincelaient de joie, et il s’écria (je rapporte ses paroles dans toute leur énergie grossière).

— Il est sauvé… mais il a payé, le vieux b…

Puis tirant du gousset de son pantalon un paquet de billets de banque, il me dit, en me les montrant d’un air triomphant :

— Vingt mille francs !

— Vingt mille francs, — répétai-je avec stupeur.

— Gagnés en sept minutes… L’opération n’a duré que cela.

— Vingt mille francs, — répétai-je, c’est énorme…

— Énorme ? — reprit-il en haussant les épaules d’un air de dédain. — Énorme… un vieux fesse-mathieu qui a plus de deux millions de rentes, et qui en dépense à peine deux cents ? Sans l’opération que je viens de lui faire, il crevait comme un chien… Qu’est-ce qu’il aurait fait de ses deux millions de rentes ? Mais quelle bonne scène de comédie ! — ajouta mon maître en se frottant joyeusement les mains. — J’arrive. Le marquis était sur le lit de douleur. Une hernie étranglée… cas mortel s’il en est. Mes aides étaient déjà là. En me voyant, le marquis s’écria : — « Ah ! mon cher doc-