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eût fait contracter une autre union à l’État civil… Celle-ci, réelle, valable, aurait eu pour prétexte de régulariser votre premier mariage devant le prêtre, mariage qui, légalement, ne signifie rien. M. le comte, vous le voyez, est très-ferré sur son code conjugal.

— Et moi qui ai donné en plein dans le panneau ! — murmura la Levrasse.

— Tu sens bien, vieille canaille, — pardon, Mademoiselle, entre nous autres ça se dit, — que j’ai dû prendre part au complot, afin d’être à même de le faire échouer. Si J’ai laissé aller les choses jusqu’au point où elles sont, Mademoiselle, ç’a été pour vous démontrer clairement l’indignité de M. le comte… et aussi pour tâcher de vous prouver ma reconnaissance à ma manière, en vous empêchant, Mademoiselle, d’épouser un homme déshonoré… qui eût fait la honte et le malheur de votre vie.

— Je vous remercie,… Monsieur… votre conduite est en cette circonstance celle d’un homme d’honneur et de cœur, — dit Régina avec une sombre tranquillité, et elle continua de tenir sous son regard fixe, implacable comme celui d’un juge, Robert de Mareuil, sans lui adresser un seul mot.

Ce silence, auquel le jeu de la physionomie de Régina donnait une expression terrible, était plus effrayant que les reproches les plus amers, les plus véhéments…

Robert, anéanti, éperdu, semblait fasciné par ce regard d’un inflexible acharnement. Enfin, voulant tenter un effort désespéré, il s’écria ;

— Eh bien ! oui… Régina, j’ai été coupable ; j’ai été criminel… mais si vous saviez à quels égarements