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Je devins furieux ; saisissant mon adversaire à la gorge, je l’envoyai rouler sur la berge, un second assaillant eut, je crois, la mâchoire brisée ; je me sentais en ce moment une force surhumaine ; mes artères battaient à se rompre, de sourds bourdonnements bruissaient à mes oreilles.

― Est-ce assez ? ― m’écriai-je… ― Quelqu’un en veut-il encore ?

La lâcheté de ces misérables me prouva leur dégradation, aucun ne répondit à l’appel ; mon énergie, ma vigueur leur imposa ; leur haine contre moi s’augmenta peut-être, mais ils furent forcés de la contraindre ; malgré quelques sourds murmures, je me maintins au premier rang ; bien m’en prit, le vapeur allait bientôt aborder.

― Tu as eu raison de les aplatir, ces brigands-là… ― me dit une voix rauque et enrouée que je crus reconnaître. ― Si tu veux, nous ferons ensemble pour le transport.

Un coup familièrement frappé sur mon épaule compléta cette proposition.

Je me retournai… c’était encore le cul-de-jatte.

― Je ne vous connais pas, ― lui dis-je brusquement.

― Ni moi non plus, mais tu tapes dur, j’aime ça, et je veux être ton associé.

― Je n’ai pas besoin d’associé, ― lui répondis-je, me retournant, car les voyageurs allaient débarquer.

Le cul-de-jatte me jeta un regard étrange et disparut.

Les passagers étaient encore moins nombreux que la