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― Allons au débarcadère du bateau à vapeur ; il ne s’agit plus de répugnance ou de crainte ; je me sens résolu à tout… il faudra bien qu’à mon tour je trouve quelque bagage à transporter… j’ai faim !!

Oh ! ce fut alors… seulement alors, que je compris tout ce qu’il y avait de sentiments implacables, terribles, dans ces seuls mots : j’ai faim !..

J’arrivai au débarcadère du bateau à vapeur, il faisait grand jour ; plusieurs habitués de la veille étaient déjà rassemblés sur la berge ; j’oubliai le dégoût et l’horreur que j’avais ressentis la veille, à la vue des luttes hideuses de ces misérables se disputant quelques bagages ; je me jetai résolument au milieu du groupe déguenillé.

À la surprise que causa ma brusque invasion, succéda une irritation violente.

― Qu’est-ce que tu viens faire ici, toi ? ― me dit un des plus robustes de la bande.

― Je viens pour transporter les bagages des voyageurs.

— Toi ?

— Moi.

— Je te le défends.

― Oui, oui, nous te le défendons, ― répétèrent plusieurs voix menaçantes.

Le sang me monta au visage, toutes sortes d’ardeurs jalouses, haineuses, féroces, s’éveillèrent soudain en moi.

― Vous me défendez de rester là, ― dis-je sourdement, les dents serrées de rage.

― Oui… sauve-toi ― me dit un de ces misérables, en me repoussant rudement.