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veuve et lui soutirer d’un coup plus d’argent que je n’en ai gagné en me carnageant, pour nous faire vivre nous deux Basquine, tant qu’elle est restée avec moi. Eh bien ! non… faire manger à Basquine du pain de ma veuve… ça ne m’allait pas, et pour toute autre que Basquine ça ne m’aurait-il pas été comme un gant ? Quand je te dis, Martin, qu’après toi et elle il faut tirer l’échelle aux bons sentiments.

— Avoue du moins, — lui dis-je, — qu’il est déjà grand et beau de voir notre affection mutuelle nous imposer des sentiments pareils… si restreints qu’ils soient ?

— Pour restreints, ils le sont, je t’en réponds ; aussi après le départ de Basquine, j’ai repris ma volée… d’oiseau de nuit ou de proie… Vers ce temps-là, je rencontrai la Levrasse. — Ah ! vieux gueux ! — lui dis-je, — tu es donc toujours en vie ? — Ah ! grand brigand, — me répondit-il, — tu as donc voulu me faire cuire en daube dans ma voiture ? — Et toi, tu as donc été assez coriace pour ne pas vouloir cuire ? Ça ne m’étonne pas ; mais la mère Major ? — Elle était plus tendre, elle,… tu le sais bien, mauvais garnement, — me répondit la Levrasse. — Elle a parfaitement cuit.

— Ah ! mon Dieu, — m’écriai-je ; — et l’homme-poisson ? — car j’avais souvent songé à lui depuis notre séparation.

— C’est vrai, — dit Basquine. — Pauvre Léonidas ! il était aussi enfermé dans la voiture au moment où tu y as mis le feu. La Levrasse t’en a-t-il donné des nouvelles, Bamboche ?