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portière, je vis une femme de trente ans environ, d’une figure agréable et distinguée, descendre de l’une des voitures de suite, se diriger vers l’auberge et demander l’hôtesse : « Va conduire cette dame à notre bourgeoise au lieu de rester là à regarder les mouches, » — me dit une des servantes en me poussant rudement par le bras. — « C’est justement ce que je désirais, ma chère fille, » — dit l’étrangère à la servante avec un accent anglais assez prononcé, puis me prenant par la main elle me dit du ton le plus caressant : — « Conduisez-moi à la maîtresse de l’auberge, mon enfant. » Je conduisis l’étrangère, elle resta quelques moments enfermée avec l’aubergiste et celle-ci me dit en sortant : « Petite, tu es ici par charité, tu n’as pas de chemise sur le dos, on ne sait pas d’où tu viens, tu n’as pas de parents, je ne pourrais pas te garder long-temps, parce que tu manges plus que tu ne gagnes. Cette dame te trouve gentille, elle a pitié de toi ; si tu veux aller avec elle, tu monteras dans ces belles voitures que tu vois, et tu seras bien heureuse ; décide-toi. Mais je te préviens que si tu refuses une si bonne aubaine, demain je te mets à la porte, vrai comme je te le dis. »

— Pauvre enfant ! comment refuser une pareille offre, dans la misérable position où tu te trouves, — dis-je à Basquine.

— Aussi j’acceptai bien vite, — me répondit-elle. — Et pourtant, non sans un serrement de cœur inexplicable, quoique tout cela me parût un beau rêve. La dame que je nommerai désormais miss Turner, me prit par la main, ayant sans doute l’ordre de ne pas me présenter alors au duc de Castleby : elle me fit monter dans