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j’ai une cicatrice à y fourrer le pouce[1]. Comment ne m’a-t-il pas tué ? Que le diable m’emporte si je le sais…

— Mais ce misérable, tu l’as revu ? — m’écriai-je.

— Pardieu… il est venu aujourd’hui ici me demander trois fois… c’est lui qu’on nomme le Major. Tu n’as pas entendu le portier m’annoncer sa visite ?

— Tu vois ce misérable ? — répétai-je avec un accent de reproche.

— J’en ai revu bien d’autres, — s’écria Bamboche, — que veux-tu ? je pratique sur une grande échelle l’oubli des injures,… et des coups de pistolet à bout pourtant… Recevant donc du cul-de-jatte une telle dragée en pleine poitrine… je tombe sur le coup… Basquine se sauve en criant à l’assassin ! au secours !… et la pauvre enfant est tellement saisie d’épouvante, que, perdant complètement la tête, elle court sans savoir où elle va… finalement, pendant une quinzaine de jours, elle est restée folle de frayeur. Elle te contera ça… car, c’est à dater de ce coup de pistolet, qu’elle et moi nous avons été séparés… pour la première fois…

— Pauvre Basquine, — dis-je en prenant dans mes mains les mains de la jeune fille, — et toi ? qui t’a sauvé, Bamboche ?

— Un brave voiturier, il s’en allait à vide sur cette route, environ une heure après l’événement… il me voit baigné dans mon sang, quasi mort, à quelques pas de la croix, il me relève, me met sur sa charrette, comptant me transporter à cinq ou six lieues de là, dans un bourg

  1. Voir, Ier chapitre, signalement de Bamboche.