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sa poitrine, il s’écria d’une voix étouffée par l’émotion en tournant la tête du côté de la pièce voisine :

— Basquine !… C’est Martin !!!…

J’entendis, pour ainsi dire, faire un bond dans la chambre ; la porte s’ouvrit, et Basquine, encore à demi enveloppée de son manteau, se précipita dans l’antichambre, me sauta au cou, mêlant ses embrassements muets, ses larmes, aux embrassements, aux larmes de Bamboche et aux miennes, car nous pleurions tous trois.

Il y eut un moment de long silence… pendant lequel nous nous tenions tous trois étroitement serrés… silence seulement interrompu, çà et là, par le bruit de ces sanglots de joie profonde, convulsive, qui font bondir le cœur.

Oh ! béni soyez-vous, mon Dieu, qui, par de tels instants, faites oublier des jours, des années d’infortune ! Béni soyez-vous, mon Dieu, qui avez si magnifiquement doué vos créatures, que les plus perverses, que les plus misérables puissent encore goûter ces ravissements, dont l’ineffable douceur, dont la sainte élévation les rapproche de votre divinité !

Nous étions là trois victimes de la fatalité. Nous avions bien souffert, nous avions commis bien des actions coupables, notre avenir était sombre, plus sombre encore que notre passé. Et pourtant, dans cet élan divin qui confondait nos âmes, ces souffrances, ce sombre passé, cet effrayant avenir, étaient oubliés. Et ces fautes ! conséquences presque forcées de la misère et de l’abandon, ces fautes ne devaient-elles pas être aussi oubliées, pardonnées par votre paternelle miséricorde et votre justice,