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Après la rose, Basquine prenait dans la corne d’or un frais et virginal bouquet de myrte et d’oranger… emblème, sans doute, de la fiancée d’Arlequin… Saisie d’un nouvel effroi, la fée d’argent se jetait aux genoux de Basquine, les mains jointes, suppliantes, semblant demander grâce pour le bouquet.

Basquine… d’abord impitoyable, repoussant de son froid dédain les prières de la fée d’argent, serrait le bouquet d’une main convulsive et triomphante ;… mais soudain Basquine parut s’attendrir… regarder le bouquet avec une compassion croissante… Peu-à-peu les traits de la jeune fille se transfigurèrent, son visage reprit cette expression de douceur angélique, d’adorable candeur… que je lui avais vue si souvent dans son enfance… loin de flétrir le bouquet de myrte, Basquine le caressait du geste et du regard avec une tendresse innocente et charmante… Il est impossible d’imaginer ce qu’il y avait alors de grâce enchanteresse, d’irrésistible séduction dans le jeu de Basquine : aussi la fée d’argent, souriante, heureuse, rassurée, baisait les mains du mauvais génie, croyant le bouquet sauvé… Hélas ! vaine espérance !… Tout-à-coup l’ange redevenait démon ; d’un souffle Basquine flétrissait le bouquet en poussant un éclat de rire sardonique, mais sonore, harmonieux ; puis elle fondait, si cela se peut dire, les dernières vibrations de ce sinistre éclat de rire, dans l’andante d’un air de bravoure, d’un caractère puissant et farouche (musique composée par elle, je l’ai su depuis), dont les paroles avaient à-peu-près ce sens :

« Je suis le génie du mal, le mal est mon domaine ; mon souffle glacé flétrit toutes les joies ; je