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sible de rendre avec quelle pitié sardonique elle semblait contempler les vains enchantements de la fée d’argent, qui s’évertuait à couvrir son protégé de fleurs allégoriques… il y eut surtout un moment où Basquine, haussant légèrement les épaules, fit un dernier pas vers la bonne fée… un seul pas… mais accompagné d’une ondulation de cou si vipérine, et d’un regard si chargé de menaces et de sombre fascination, que la bonne fée semblait frappée de cette immobile épouvante dont est saisie la victime que le reptile charme avant de la dévorer. S’avançant alors pas à pas vers Basquine, comme entraînée par un attrait magique, la fée d’argent, d’une main tremblante, lui tendait sa corne d’or. Basquine prenait une fleur, une belle rose fraîchement épanouie : elle la montrait à la fée avec un sourire sardonique et glacé, comme pour lui faire admirer encore le tendre éclat de cette fleur ; puis, l’approchant de ses lèvres, elle jetait sur la rose un léger souffle… et la rose devenait noire à l’instant, et s’effeuillait d’elle-même.

Non, jamais je n’oublierai le geste, l’attitude, le regard, le sourire, la physionomie de Basquine… tout ce qui se révéla enfin chez elle d’impitoyable ironie, de sanglant sarcasme, lorsque de son souffle mortel, elle flétrissait cette fleur fraîche et brillante, comme les espérances et les illusions du jeune âge ;… avec quel dédain, abaissant ses grands yeux brillants d’un feu sombre, elle contemplait ensuite les débris de la fleur qu’elle foulait aux pieds.

Je ne pensais pas que la scène pût monter encore : je me trompais, bientôt vint une péripétie plus émouvante.