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une voix !… Moi, je ne viens que pour l’entendre chanter ce petit morceau.

— Chacun son goût, — reprit mon voisin de droite.

Puis, s’adressant à moi, il me dit tout bas :

— N’écoutez pas ce Monsieur, il n’y connaît rien ; cette Basquine n’est pas une actrice, c’est une mauvaise figurante de deux liards, maigre comme un clou… et qui fait sa tragédienne… je vous demande un peu… aux Funambules ?… Si ça ne fait pas pitié ? mais regardez-moi Clorinda, qui joue la fée d’argent… À la bonne heure !… voilà une actrice ! je vous recommande ses mollets, etc., etc., vous allez voir cette prestance !

Je laissai dire le partisan des mollets et des etc., etc., de Mlle Clorinda ; la toile se leva : je jetai un regard dans la loge occupée par Robert de Mareuil et par Balthazar ; ce dernier, placé sur la première banquette, était radieux, épanoui : il semblait s’amuser fort, tandis que Robert, assis dans le fond de la loge, paraissait soucieux et sombre. Je ne pouvais concilier cette tristesse avec la certitude où était Robert de Mareuil d’être toujours aimé de Régina. Cette étrangeté me rappela l’altération des traits de Robert en suite de son entretien secret avec la Levrasse, entretien dont Balthazar même avait été exclus. Quoique ces observations me donnassent fort à songer, je ne m’occupai plus que de la féerie, ne pensant qu’au moment où allait paraître Basquine.

Ces dernières pensées me ramenèrent aux mille souvenirs de mon enfance, souvenirs à la fois si doux et si amers. Bientôt même j’oubliai la pièce qui se jouait et ce qui se passait autour de moi, certain d’être rappelé à