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reaux brisés, attira mon attention et me fit retourner sur mes pas.

Ce bruit partait du bouge où j’avais vu entrer le cul-de-jatte. Au moment où je me rapprochai, un homme, qui me parut complètement ivre, fut violemment expulsé de cette sinistre demeure ; et au moment où la porte se referma sur lui, je vis confusément, dans l’ombre de l’allée, le cul-de-jatte et son compagnon ; tandis qu’à une lucarne supérieure apparaissait la tête d’une femme échevelée, derrière laquelle se dressait la figure cynique de l’enfant de quinze ans ; tous deux injuriaient l’homme ivre que l’on venait de mettre hors de cette maison ; mais celui-ci, trébuchant et s’appuyant çà et là aux arbres du boulevard, éclatait de rire à chaque instant en criant qu’on l’avait volé…

Un sentiment de curiosité, mêlé de pitié, me fit faire un pas vers la victime de ces bandits… Quelle fut ma stupeur !… je reconnus en lui l’homme aux manières de grand seigneur, que j’avais déjà vu ivre au cabaret des Trois-Tonneaux.

J’eus un mouvement de joie amère, en m’apercevant de l’état d’ivresse de ce personnage ; ma première pensée fut d’essayer de le faire parler, afin d’apprendre si en effet la Régina dont il avait tracé le nom sur la table du cabaret, était bien la Régina que je connaissais, et alors de tâcher de savoir de cet homme singulier quels rapports existaient entre lui et cette jeune fille, et si elle habitait Paris en ce moment.

La pensée de surprendre ainsi un secret, était mauvaise, je l’avoue ; mais j’y trouvai une excuse dans l’intérêt que m’inspirait Régina ; si cet inconnu était aimé