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— Te voici à-peu-près sortable, Martin, — me dit Robert de Mareuil, en m’examinant des pieds à la tête. — N’aie pas l’air si empêtré, dégourdis-toi,… ne colle pas ainsi tes bras le long de ton corps, sinon tu nous feras honte ; mais surtout conserve tes habits de commissionnaire ; ils te seront peut-être utiles dans certaines circonstances pour lesquelles ta livrée serait trop voyante.

— Ça n’est pas mal, — dit Balthazar, en me considérant à son tour, — j’aurais préféré un chapeau à cornes, un habit ventre de biche, à la française, gilet et culotte bleu clair, jarretières d’argent, bas de soie blanc, boucles au soulier et œil de poudre. C’eût été par la sambleu ! quelque chose de crâne, mais c’eût été trop Frontin pour toi, mon digne garçon… Cette modeste tenue bourgeoise conservera au frais ta naïveté, que je prise si fort, ô Martin… D’ailleurs, la livrée, ventre de biche, est la mienne… je veux en conserver la primeur… Je m’étais commandé une centaine d’habits de cette nuance, pour vêtir mes gens lors de l’inauguration de mon palais du faubourg Saint-Antoine… Mais cette diable de veille d’un vendredi a tout changé… c’est partie remise…

Un coup de sonnette discret, timide, interrompit Balthazar, le tailleur était sorti, je refermai la porte de la chambre de mes maîtres, et j’allai ouvrir…

C’était la Levrasse.

— M. le comte de Mareuil ? — me demanda-t-il d’une voix doucereuse, et il me parut jeter un coup-d’œil rapide et investigateur dans la pièce où nous nous trouvions.