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— Sois franc, tu n’agirais pas comme moi, Balthazar ?

— Peut-être…

— Tu me blâmes ?

— Mais je t’aide… parce qu’il s’agit pour toi, je le sais, d’une question de vie ou de mort, — dit gravement Balthazar.

— Tu me blâmes… et tu m’aides ; pourquoi cette contradiction ?

— Une contradiction ? — s’écria le poète, en reprenant sa bonne humeur ; — au contraire… c’est une fusion… un accord parfait… En te blâmant j’obéis à mon opinion personnelle ; en t’aidant je partage l’opinion du plus grand nombre.

— Toujours bizarre.

— Que veux-tu ?… Robert… un poète… c’est une si drôle de chose…

Quoiqu’elle fût passive, je sus gré à Balthazar de cette protestation contre les projets de Robert de Mareuil ; j’écoutai la fin de l’entretien de mes maîtres avec une inquiétude croissante.

— Continuons notre exposition — répondit Balthazar. — En apprenant l’héritage inespéré que vient de faire Régina, tu apprends, en outre, qu’elle est très-malheureuse chez son père… car elle n’est pas, dit-on, sa fille… le baron, quoique des années se soient passées depuis cette découverte, a pris tellement au tragique cet accident comico-conjugal, que sa misanthropie semble tourner, dit-on, à la démence… ce qui rend la position de sa fille parfaitement intolérable, surtout depuis que le baron l’a ramenée à Paris. Tout ceci te paraît tissé par