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— Mais, ma chère Madame Laridon, c’est impossible, M. Bonin savait bien que je comptais là-dessus, moi…

— Restez là dix heures, parlez-moi dix heures, — reprit brusquement la mégère, — ça sera comme si vous chantiez : le patron a dit non, c’est non !

— Mais alors, — s’écria l’adolescent, désolé, — il ne fallait pas qu’il me promît pour aujourd’hui…

— Assez causé, — dit la mégère en croissant ses bras sous son tablier, et restant insensible à toutes les instances du jouvenceau.

— Ça m’est égal, — dit enfin celui-ci avec un accent de désappointement courroucé, — j’attendrai M. Bonin.

La vieille femme fit un geste de tête et d’épaules qui semblait dire :

— Faites ce qu’il vous plaira.

Puis m’avisant à la porte où je restais, attendant que l’adolescent eût quitté le comptoir, cette femme me dit :

— Qu’est-ce que vous voulez ?

— J’apporte une lettre pour M. Bonin, Madame.

— Il va rentrer… vous la lui remettrez, — me répondit-elle brusquement.

Il n’y avait que deux tabourets dans cette boutique, ils étaient occupés par la soubrette et par le chasseur. L’adolescent me parut blessé de ce que le laquais de grande maison ne lui offrît pas le siège qu’il occupait ; mais le chasseur, fort insoucieux de commettre cette grave inconvenance, échangea un regard ironique avec la fringante soubrette, en lui faisant remarquer le rougir de dépit qui montait au visage du jouvenceau.