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— Trésor d’innocence, va !… Quand tu as vu ou entendu quelque chose, t’en souviens-tu ensuite ?

— Oh ! non, Monsieur, un ou deux jours après je ne me rappelle presque plus rien.

— Eh bien ! tout en remettant ta lettre au baron… regarde-le attentivement, examine sa figure, observe bien ce qu’il fera, écoute bien ce qu’il dira en recevant ou en lisant la lettre… tâche surtout de te rappeler toutes ces choses-là… et tu reviendras tout de suite nous les dire… En si peu de temps tu ne les auras pas oubliées ?

— Oh ! non, Monsieur… tout de suite comme ça… Mais, demain, par exemple, je ne me rappellerai plus de rien.

— Quand je te dis que j’ai découvert dans ce garçon… l’anti-Scapin, — s’écria Balthazar.

— Si l’on te demande de quelle part vient cette lettre, — ajouta l’ami du poète, — tu diras que c’est de la part de M. le comte Robert de Mareuil, qui vient d’arriver…

Et Robert de Mareuil hésita un instant et reprit :

— Qui vient d’arriver… de Bretagne.

— De Bretagne, entends-tu bien ? — me dit Balthazar, et il me parut qu’il retenait un violent éclat de rire, — de Bretagne ? — reprit-il.

— Oui, Monsieur…

— Allons, va… dépêche-toi… — me dit Robert.

Puis il ajouta :

— Mais j’oubliais… si l’on refusait absolument de te laisser parler au baron… tu rapporterais la lettre…