Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/104

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Je te comprends, Robert, — dit Balthazar à son ami… — En de telles affaires, d’abord la discrétion, et puis encore la discrétion. Mais, sois tranquille… Martin que voilà et que je te recommande, est la simplicité, la probité en personne ; il a le bonheur d’être bête comme une oie… agile comme un daim… ponctuel comme une montre, ce qui fait de lui un messager sans égal… Je te demande donc ta protection pour Martin.

Robert jeta un instant les yeux sur moi avec une distraction dédaigneuse ; je baissai les yeux, tremblant qu’il ne me reconnût ; mais cette crainte fut vaine ; et Robert dit à son ami :

— Qu’est-ce que c’est que ce garçon ?

— C’est mon garçon de recettes… — répondit Balthazar en se drapant dignement dans sa vieille robe de chambre — un trésor de probité ; depuis que je l’emploie, il n’a jamais manqué un liard, un centime… aux comptes qu’il me rend…

— J’en suis certain, — répondit Robert en riant, — et, comme ses fonctions de garçon de recettes doivent lui laisser assez de loisirs, tu me permettras de le charger d’une commission.

— Je t’y autorise, Robert.

— D’abord, donne-moi ce qu’il faut pour écrire…

— Tu sais bien, Robert, qu’il y a deux classes d’êtres privilégiés, chez lesquels on trouve toujours des plumes tortillées en manière de cor de chasse, et de l’encre à l’état de saumure. Ces deux classes d’hommes sont les portiers et les poètes. Or, comme poète, voilà tout ce que je peux faire pour toi…