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À la vue de sa magnifique chevelure d’un noir de jais qui se déroula si longue qu’elle tomba jusqu’à terre, où elle se replia autour de ses pieds nus, si épaisse qu’elle cachait les haillons de la jeune fille qu’on eût dit alors enveloppée d’un manteau noir, la Levrasse, malgré son habitude de dépréciation, ne put s’empêcher de s’écrier :

— C’est superbe !… extraordinaire !… je n’ai jamais rien vu de pareil !…

Un murmure de surprise avait accueilli l’apparition de la jeune fille, jusqu’alors restée inaperçue de ses compagnes ; l’une d’elles dit à voix basse :

— Tiens, Joséphine… qui vend aussi ses cheveux… elle qui va se marier…

— Avec Justin, qu’elle aime tant, — dit une autre.

Et l’on voyait sur presque tous les visages une expression de chagrin et de pitié… Joséphine était douce et bonne, puisqu’elle inspirait un tel intérêt à ses compagnes, qui venaient pourtant de se résigner, comme elle, à un pénible sacrifice.

— Vous allez vous marier, ma jolie fille, — dit la Levrasse en contemplant d’un œil de convoitise la magnifique chevelure déployée devant lui, et la maniant avec un frémissement de joie. — Eh bien !… vous avez raison de vous défaire de ça ;… c’est inutile en ménage ;… une bonne dot vaut mieux, — ajouta la Levrasse d’un ton sardonique. — Et cette dot, moi, je m’en charge… Tenez… la voici… une belle pièce de quarante sous toute neuve… J’espère que je fais bien les choses et de moi-même, car je n’ai payé les chignons