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figure fantastique. Au bas du tableau, on lisait cette pompeuse annonce, à laquelle j’avais concouru pour la partie scientifique, géographique et historique.


L’HOMME-POISSON,
phénomène vivant et surnaturel,


» pêché par les Mameluks du pacha d’Égypte dans le fleuve du Nil, situé au pays des Pharaons et des pyramides. Ce phénomène ne peut vivre que dans l’eau, et se nourrit seulement de poissons vivants ; ses bras sont remplacés par des nageoires que l’on ne laissera toucher qu’aux militaires et aux dames, ces êtres privilégiés de la France. (L’honneur de ce trait à l’adresse du beau sexe et de la gloire du pays revient au père Boulingrin, je l’avoue en toute humilité.)

» Cet incroyable phénomène peut répondre en quatre langues aux questions qui lui seront faites par l’honorable société. Ces quatre langues sont le latin, le grec, le français et l’égyptien du nil.

» Il avait été convenu avec le père Boulingrin que, dans cette douteuse hypothèse où un membre de l’honorable société m’interrogerait en égyptien, je répondrais par un petit langage de ma composition, moyennant quoi mon imprudent interlocuteur serait véhémentement soupçonné, et bientôt convaincu, de ne pas parler le véritable Égyptien du Nil.

» L’effet de notre tableau fut prodigieux : l’ogre fut outrageusement abandonné pour l’homme-poisson (j’eus comme un remords de ce triomphe), et notre première recette atteignit le chiffre énorme de trente-deux francs cinquante centimes.