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bateleurs, — il vous enlève votre public ; ramenez-le, cet inconstant, ce volage public, en lui montrant, non plus un ogre, mais un phénomène qui vit de poissons crus… Mieux que cela ! — m’écriai-je en sentant mon imagination s’exalter, et ma première idée se compléter par de nouveaux et ingénieux perfectionnements. — Oui, mieux que cela, montrez-leur un homme-poisson… qui vit dans l’eau et qui, au lieu de bras,… possède des nageoires… Voyez quel effet ! Messieurs ! quel tableau à opposer au tableau de votre rival, un homme avec des nageoires au lieu de bras, plongé dans une cuve immense, et mangeant toutes sortes de poissons ? Franchement, je puis le dire sans trop d’orgueil, mais avec conscience,… franchement, Messieurs, pour attirer la foule… qu’est-ce qu’un ogre comparé à un homme-poisson ?

» J’étais ébloui de mon projet, de l’avenir calme, assuré, qu’il pouvait m’offrir. Dans mon ardeur, aucune difficulté ne m’embarrassait. Demeurer dans l’eau pendant mes exhibitions, qu’était-ce, après tout ? un bain prolongé… Restaient les nageoires ; je ne pouvais, à cet égard, me faire la moindre illusion, je n’en possédais pas… Mais, à force de chercher, il me sembla qu’au moyen de gaines de parchemin, façonnées et peintes en nageoires d’un beau bleu d’azur, dans lesquelles j’enfoncerais mes bras, et que l’on fixerait sur mes épaules au moyen d’une espèce de corselet en écailles de fer-blanc, on pourrait, une demi-obscurité aidant, parvenir à causer quelque illusion. Sans doute ce projet était encore informe et à l’état d’ébauche ; mais si les bateleurs, très-experts