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Dieu du ciel ! puisque vous ne me devez rien, au contraire, mais je tiens à vous mettre au courant de vos petites affaires.

» Je restai pétrifié.

» Avec mes 720 fr. je croyais devoir vivre un an, deux ans, toujours !! que sais-je ? L’hôtelier, supposant que des soupçons outrageants pour sa probité causaient ma stupeur, revint quelques moments après avec une immense pancarte, où étaient détaillés mes repas de chaque jour, repas malheureusement trop délicats pour ma bourse et que j’avais mangés avec la plus complète distraction.

» L’hôtelier me dit avec dignité, en me remettant mon mémoire et mes vingt francs :

» — Voilà vos vingt francs, Monsieur Requin, je n’ai pas l’habitude d’être suspecté : il vous reste onze jours à loger chez moi, puisque vous avez payé d’avance ; mais, après ces onze jours, j’aime autant un autre locataire que vous.

» Et en sortant, il laissa les vingt francs sur ma commode.

» Le cercle de fatalité qui m’enserrait, se rétrécissait de plus en plus, et la même incapacité paralysait mes forces.

» Je dépensai le dernier sou de mes vingt francs la veille du jour où mon hôtelier me signifia que, ma quinzaine étant terminée, il me fallait lui en payer une autre d’avance ou quitter son hôtel ; je sortis.

» Depuis long-temps je pratiquais l’insouciance la plus philosophique au sujet de mes vêtements ; ils tombaient en lambeaux, mes souliers prenaient le jour de