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telle expression, critiquer les fautes de mon élève et lui donner la raison de ces critiques : hélas ! cette facilité de travail, cette espèce de faconde oratoire, je ne les avais jamais possédées : j’avais toujours été ce qu’on appelle un piocheur opiniâtre, et aucune expression ne peut mieux rendre tout ce qu’il y avait de pénible, de lent, de pesant dans mon procédé de travail.

» Toutefois, je ne désespérai pas, je pensai que l’habitude me viendrait peut-être, qu’aux leçons suivantes je me mettrais plus en confiance avec mon élève ;… il n’en fut rien, et comme j’étais, après tout, honnête homme, j’avouai franchement au bout de huit jours à mon élève, que tenter de l’enseigner plus long-temps serait lui voler son argent.

» — En effet, — me répondit-il naïvement — je m’aperçois que je ne suis pas plus avancé aujourd’hui qu’à la première leçon.

» Puis il me donna huit francs, le prix de mes huit cachets, et nous nous séparâmes pénétrés d’ailleurs l’un pour l’autre d’une égale et profonde estime.

» Ce dernier coup fut accablant, décisif : il me montrait le néant des seules ressources que j’aurais pu tirer de mon éducation ; je me replongeai dans mon engourdissement apathique en redisant mon dicton favori : Omnia patienter ferenda (il faut tout supporter avec résignation).

» Quatre mois environ s’écoulèrent ainsi ; un matin l’hôtelier entra chez moi.

» — Il ne nous reste plus que vingt francs, votre quinzaine payée, Monsieur Requin, — me dit-il ; — je viens vous en avertir ; non que je sois inquiet, grand