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pauvre, à quoi bon m’avoir donné l’éducation que l’on m’a donnée ? Qu’est-ce que je vais devenir ?

» — J’ai déjà eu l’honneur de vous faire observer, cher Monsieur Requin, que je posais le problème de votre avenir sans le résoudre… La solution appartient à vous seul… Sur ce,… croyez que mes vœux, etc., etc., etc.

» Et il me fut impossible d’en tirer autre chose.

» Pendant les quinze jours de grâce que m’avait si généreusement accordés le successeur de M. Raymond, je restai complètement inerte, abattu, hébété, incapable de prendre une résolution, par cette excellente raison que je n’en voyais aucune à prendre. Ainsi que les gens qui n’ont pas l’énergie de prendre un parti décisif en songeant pourtant qu’un événement fatal approche, je me disais que, sans doute, le successeur de M. Raymond m’accorderait quinze jours de plus, puis quinze autres encore. Je dois avouer qu’il me les eût accordés, qu’au bout de deux mois, de trois mois, je n’en aurais pas été plus avancé. Or, ce digne homme, étant plein de bon sens et de pénétration, fit sans doute cette réflexion pour moi, car, le quinzième jour, à midi sonnant, il entra dans la classe vide et solitaire où je me tenais d’habitude (tous les élèves étaient alors en vacances), et me tendant la main d’un air à la fois formaliste et pénétré, il me dit :

» — Je viens vous faire mes adieux, cher Monsieur Requin… très-cher Monsieur Requin.

» Je compris qu’il n’y avait plus d’atermoiement possible, et je répondis avec un soupir de résignation :

» — Allons ! Monsieur, je vais partir. Je vous de-