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absent. La distribution continua ; seulement de nouveaux rires firent explosion, lorsque je fus nommé deux autres fois, car j’avais remporté deux premiers et un second prix.

» Tout ceci n’est que ridicule, mon cher Martin, voici qui devient atroce.

» Au retour de la distribution, M. Raymond, mon maître de pension, me fit venir dans son cabinet, et, après une remontrance pleine de bienveillance à propos de mon insurmontable timidité, il me dit :

» — Requin, vous devez être, vous serez l’honneur de ma maison ; de ce jour, je ne vous considère plus comme mon élève, mais comme mon fils ; je serai moi-même votre répétiteur et vous mangerez à ma table.

» Mon autre père,… le père Requin qui, en rentrant, m’avait assez vertement battu, le cher homme ! pour m’apprendre à ne pas donner une autre fois de pareilles déconvenues à son orgueil paternel, faillit à mourir de joie, en apprenant les bontés de M. Raymond pour moi. Je vous ai dit que ces bontés étaient atroces, mon cher Martin ; vous allez en juger.

» Du jour où je devins l’élève favori de M. Raymond, je fus pour lui une amorce, une enseigne, une réclame vivante destinée à achalander son institution par le retentissement de mes succès extraordinaires, nécessairement attribués à l’excellente éducation que l’on devait recevoir chez M. Raymond, etc., etc.

» J’avais toujours fui les récréations, qui, malgré la surveillance protectrice des maîtres, n’étaient guère pour moi que des heures de tribulations de toutes sortes. Je passais donc le temps des récréations au