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rité chez lui, et de me faire faire les études nécessaires pour entrer en septième l’année suivante, malgré mes regrets et mes regards incessamment tournés vers le petit établi de mon pauvre oncle le tailleur. M. Raymond, qui avait d’ailleurs beaucoup à se louer de mon père, me confia à un maître d’études, et mon éducation universitaire commença.

» Malheureusement, en raison de ma figure ridicule, de ma timidité, de ma poltronnerie et de ma condition sociale de fils de portier, je devins, hélas ! en peu d’années, un bon, un excellent, un surprenant élève…

» Que ceci ne vous semble pas un paradoxe, mon cher Martin : bafoué, moqué, poursuivi par tous mes camarades dont j’étais devenu le jouet, je m’évertuais à faire de grands progrès, afin d’être un peu protégé par les maîtres ; et je tâchais d’être souvent le premier, afin de me trouver aussi éloigné que possible des bancs inférieurs ordinairement occupés par les petits riches, mes plus acharnés persécuteurs, en leur qualité de cancres[1] et de farceurs.

» Ceux-ci, du reste, si j’avais eu le moindre orgueil, m’eussent bien vite rappelé de mon empyrée, car ils me faisaient presque régulièrement choir sur le nez en mettant leurs jambes en travers chaque fois que je montais trôner au premier gradin.

» L’un des jours le plus malheureux de ma vie fut celui où, en sixième, mon nom retentit pour la première fois sous la tente dressée au milieu de la cour du collège Louis-le-Grand, pour la distribution des prix.

  1. En langage d’écolier, on nomme ainsi les mauvais élèves.