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Ses dernières paroles que je m’attendais à trouver amères et irritées, furent au contraire respectueuses et pénétrées : — Tout bandit que vous me croyez, — me dit-il, — je ne suis pas sot ; quoique jeune, j’ai déjà rudement rôti le balai. Je sais mon monde, et je suis sûr que vous êtes un homme comme il y en a peu… Aussi, — ajouta-t-il avec ironie, — vous êtes parqué dans le coin d’une étable…

— Toujours le même… — dis-je à Claude Gérard.

— Oui, j’ai bien retrouvé le caractère que tu m’as dépeint, mais avec une sorte d’usage du monde, une facilité de parole, et un cynisme railleur que j’étais loin de m’attendre à trouver chez lui. — Après tout, — reprit-il, — vous avez dû faire de Martin un digne et solide garçon ; il y avait de l’étoffe : vous n’avez eu qu’à tailler en plein dans cette brave et loyale nature, car Martin ne mordait au mal que du bout des dents, et non pas comme moi, à pleins crocs… Seulement, quoiqu’il y mordît peu et n’en mangeât guères, le pauvre garçon n’osait pas en dégoûter les autres.

— Pauvre Bamboche ! — dis-je à Claude Gérard.

— Comme toi, — me répondit-il, — ces mots de Bamboche m’ont touché. — Mais vous, — lui dis-je, — vous qui croyez au bien, et qui pouvez même l’admirer, comment ne le pratiquez-vous pas ?

— Et que vous a-t-il répondu, mon ami ?

— Voyez-vous, mon digne Monsieur, — a repris Bamboche, — je crois à une belle statue de marbre, à l’attitude fière, à la figure douce et grave, comme doit l’être maintenant celle de Martin ; je l’admire, cette belle statue, qui, malgré pluie et veut, orage et tempête, reste