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— Je le comprends, mon enfant, et je suis loin de blâmer ton attendrissement… Voici donc ce qui s’est passé pendant ton absence, il y a un an de cela :

J’étais ici, un matin, je vois entrer un jeune homme de grande et robuste taille, d’une figure énergique, et vêtu, il m’a semblé, avec plus de luxe que de goût.

— Monsieur, m’a-t-il dit, — il y a environ sept ans que vous avez recueilli un enfant abandonné, c’est du moins ce que je viens d’apprendre par les informations que j’ai prises dans ce village. — Et quel intérêt portez-vous à cet enfant, Monsieur ? — dis-je à cet homme en l’examinant avec autant de surprise que de curiosité. — Cet enfant… est mon frère, — me répondit-il. — Votre frère !… — lui dis-je, — et me rappelant tes confidences et le portrait que tu m’avais souvent fait de Bamboche, je répondis :

— Vous n’êtes pas le frère, mais le camarade d’enfance de Martin, vous vous appelez Bamboche. — Malgré son air assuré, audacieux même, cet homme se troubla, et me dit en fronçant le sourcil : — Peu vous importe qui je suis, Monsieur, je veux voir Martin. C’est avec la plus grande peine que je suis parvenu à retrouver ses traces, et je vous dis, moi, que je le verrai, — ajouta-t-il d’un ton menaçant. — Je haussai les épaules, et je lui répondis froidement : — Et je vous dis, moi, Monsieur, que vous ne le verrez pas : depuis quinze jours Martin a quitté ce village. — Et à cette heure où est-il, Monsieur ?… — s’écria Bamboche avec emportement, — je veux le savoir. — C’est impossible, Monsieur, — lui dis-je.

— Mon enfant, je ne pourrai jamais te donner une idée, — ajouta Claude Gérard, — de l’instance opiniâtre de Bamboche pour savoir où tu étais, employant tous les