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parvenant à la vaincre, il me dit d’une voix calme en étendant sa main vers la fenêtre :

— C’est par là… mon enfant, qu’il y a huit ans… tu t’es introduit dans cette demeure… L’abandon, la misère, le mauvais exemple, l’ignorance t’avaient poussé au vol… aujourd’hui tu as dix-huit ans, tu vas sortir d’ici… honnête homme, instruit et capable de te suffire à toi-même.

— Ô mon ami !… ne croyez pas que jamais j’oublie…

— Écoute-moi, mon cher enfant, — dit Claude Gérard en m’interrompant, — je te rappelle le point dont tu es parti, et le chemin que tu as parcouru jusqu’à ce jour… non pour me glorifier du bien que je t’ai fait, mais afin que ce dernier regard jeté sur ta vie passée te donne la force d’envisager tranquillement l’avenir. Depuis le moment où je t’ai recueilli, j’ai suivi ta vie pas à pas, jour par jour ; témoin de ces luttes, de ces épreuves dont tu es sorti à ton honneur, j’ai pu reconnaître ce qu’il y a en toi de bon, de généreux et d’énergique persistance à suivre la bonne voie. Courage donc, mon enfant… Accepter, ainsi que tu l’as fait, une vie laborieuse, rude, sans joies, sans plaisir, et seulement éclairée un jour par année par la brillante apparition d’une jeune fille que tu dois toujours aimer sans espoir… n’oublie jamais cela ; enfin cette vie de renoncement, d’abnégation, la supporter sans amertume, sans révolte contre le sort, c’est beau, c’est bien, mon enfant…

— Hélas ! mon ami… dans cette voie rude et pénible… si les forces me manquaient parfois… vous étiez là… quelques mots de vous me donnaient un nouveau courage. Mais, à cette heure, mon cœur se brise